• Eté 2004, à Toulon.

    La voiture se rapproche de la plage. On se précipite au bord de l'eau, plongeant les pieds et en s'éclaboussant. Les garçons n'ont rien oublié ; tuba, bouée, armes pour tuer les poissons. Ce que mon cousin préfère, c'est observer le paysage, le silence et la beauté qu'il y a sous l'eau, ce secret que l'on découvre. Il m'apprend à nager et reconnaitre les poissons, je me laisse aller à l'eau, oubliant la chaleur...

    Les garçons s'enfonçent maintenant dans un coin arpenté, c'est très dangereux de s'aventurer ici, j'ai seize ans et peur de tomber. Mais les chaussures adhèrent aux rochers, et l'on s'éloigne de ces chapeaux de touristes, des enfants qui hurlent. Il y a des arbres pour nous râfraîchir, et l'on se repose, seuls et heureux, dans des endroits où personne ne nous voit.

    "Pas si loin, pas si loin, hurle Christophe, sinon on va atterir à la plage homo ! Oui, là-bas, il y a une plage d'homo ! On y va ?"

    Je tremble. Une plage pour moi ? Je demande à la seule fille du groupe.

    "Est-ce que c'est vrai ? Est-ce qu'il y a une plage pour ça ?"

    Alors qu'ils s'allongent ou se baigent, je m'éloigne prétextant une envie de marcher sous ces arbres, et sur ces chemins qui donnent l'inspiration. Je veux rejoindre la plage d'homo, retrouver la place où personne ne dit jamais rien de mal. Il faut que je fonce, et je marche, et je marche.

    Je ne vois rien, même si je regarde à travers le feuillage les quelques personnes qui s'installent sur la plage. Comme je m'ennuie, je prends des photos ; le ciel bleu, les nuages blancs, l'eau, rien ne me manque. Quelques mètres plus loin, après avoir arpentée quelques tas de terres, je vois des hommes et des femmes nus. Alors, c'est ça une plage d'homosexuels ? Je retourne sur mes pas puis, un homme me rejoint, un homme d'une cinquentaine d'années. Il voit que je m'interroge sur cette plage, et que je regarde intensément.

    "Alors, vous aimez regarder ?"

    J'ai un temps de réflexion, que veut-il dire ?

    "Oui, le paysage..." répond-je.

    "Ah ? Je croyais que vous regardiez les gens nus..."

    Je pars, bouleversée par son idée et par la multiple rencontre de nudistes. Un moment, je vois un homme. Quand j'aperçois sa main qui s'agite au niveau de son sexe, et que j'aperçois par la même occasion son pénis en forme, je ne peux que reculer. Seulement, je m'avance maintenant vers un tas de terre qui n'aboutit à aucune issue. Cette image me perturbe et je ne sais que faire. Ce moment est long, je marche sur l'herbe et la terre, je tourne en rond mais ne parvient pas à l'approcher. Lorsqu'il finit, on se croise, la tête baissée et je cours rejoindre les garçons, qui sèchent maintenant au soleil.


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  • Coincée, timide, voilà ce que je suis...parmi les filles qui crient, hurlent, s'esclaffent sans arrêt. Nous sommes allées manger un kebab, déviant les portails verts qui se ferment et se referment, comme en prison. On veut changer de décors, s'isoler de ces murs blancs, de ces vieux professeurs qui rient :

    "Vos essais, du vent, du vent ! Que c'est vide ! il n'y a rien !"

    Au Kebab, j'adore le décor où l'on se croit dans un autre pays. J'adore la façon de servir le thé. J'adore sentir l'odeur de la friture quand nous avons faim. Après cela, une téquila paf, que j'ai avalé en deux temps, hésitante, ne sachant que faire du verre qui devait claquer contre la table. Moi, je préfère le Ricard, boire dans de vrais verres où l'odeur m'enivre déjà.

    J'ai l'impression de voler au-dessus des corps, où d'être transparente, comme l'air. Cependant, la cigarette, l'alcool, mon sourire me rend plus présente. Je regarde les corps danser dans cette étroite voiture qui me secoue l'estomac. Qu'est-ce que je peux m'en foutre de ne pas être comme elles !

    Pourquoi s'écrient-elles en apercevant un petit suçon dans le cou ? J'ai toujours eu l'impression que le suçon est tabou, mais que tout le monde en veut, en a...Et moi, je rougis, j'imagine que seule mon amoureuse a le privilège de toucher mon corps, et qu'elle est la seule à réellement me connaître. Certains de mes amis, bien sûr, le sont tout autant, capables de comprendre cette discrétion, mes pleurs, mes maux, mes craintes...C'est aussi avec ces Amis que je me sens moi.

    Et puis, tout le monde est ébahi, car dans mon coin, malgré mes rêves, j'ai de bonnes notes.


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  • Avant, je n'aurais jamais cru en arriver là...à cette fougue, à la Passion qui unit deux femmes...Je voulais que ça m'arrive, oui, mais ça me semblait utopique. J'y pensais durant mes longues nuits seule, où d'ailleurs, les larmes inondaient les draps.

    "Pourquoi ? Pourquoi j'aime les filles ? et pourquoi je n'ai personne...Avoir du plaisir toute seule me semble être sans intérêt maintenant. Je demande seulement ça, une petite amie et je serais heureuse. !"

    Heureuse, oui. Depuis que mes week-ends me semblent être voyage, depuis que mes voyages semblent être des rêves. Je rejoins son corps dans la pénombre de la gare, et nous nous unissons pour le temps que l'on nous donne...une heure, un jour ou trois nuits...

    Et, comme les week-ends où nous nous retrouvons, les week-ends où, sans rien faire, nos sourires et nos rires se croisent, je sentis encore cette joie soudaine.

    Mais une bouteille de Ricard, qui gisait sur la table m'a demandé d'être bue. Et, le verre a la main, la colère monte. Le mal de ces derniers jours, la peur, les larmes, tout est sorti par ces deux verres. J'ai osé donné un coup, plusieurs mêmes, sur le corps de ma petite amie.

    Je crois encore que Nos rêves sont identiques...même si je lui préserve encore une part de mes secrets. Un jour, on sera encore plus heureuses...Patience...


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  • Courir, courir loin...Marcher au-dessus des nuages, comme j'en rêvais petite. Avant, je pensais pouvoir m'y poser délicatement, les nuages blancs me semblaient doux et développaient mon imagination ;

    "Regarde Maman, regarde, c'est un ours, ah non, il bouge maintenant, on dirait la tête d'un petit garçon !"

    Ce bout d'enfance m'est resté ; comme la peur le soir, dans la nuit. Je repense à ces bruits qui traînaient dans ma chambre, aux loups qui tentaient de rentrer par la grande fenêtre, et cette dernière, le soir, avait de gros yeux qui me fixaient.

    Alors j'aimerais courir, courir comme pour m'enfuir de leurs têtes, de leurs pressions, de leurs cahiers, leurs notes, la compétition. Je reste sur ma chaise, transparente, fouillant ce tas de papiers...Je perds toujours tout.

    Et par la fenêtre, j'imagine mon corps qui pourrait voler. Je fume seule, enviant les oiseaux, qui passent au-dessus de moi, comme pour me narguer. Eux, ils volent ; ils font ce que j'aurais toujours voulu faire ; sans essence, sans aide, juste mon corps.

    Un jour, en faisant l'amour, j'ai cru que ça m'arrivait ; c'est étrange ? Vivement demain, deux jours avec celle que j'aime. Deux nuits à sentir son corps chaud contre le mien ; vite.

    Deux jours sans Internet. Tant mieux, je n'étudie rien depuis.


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  • Au bord d'un rivière, ma peau, rougie par le soleil, laisse entrevoir l'immense bonheur qui...

    Je craque. J'aimerais être oui, au bord d'une rivière m'endormant, la peau contre celle d'Emeline. Et si celle-ci, collée à moi venait à me demander un quelconque baiser, je lui offrirai ce qu'on peut tant donner lorsqu'on est amoureux. Seulement, le contexte n'y est pas. Ni le soleil qui auparavant me caresseait la peau, ni la lune qui nous inspirait, l'été.

    Ici, les gens crient leurs douleurs et leurs larmes se déchaînent, semblables à des torrents. Quand ce n'est pas leurs cris que j'entends, je vois le sang sur la peau d'une amie.

    Cette fois, mon visage a changé de couleur. J'ai demandé, pour être sûre de la réponse :

    _Tu te scarifies ?

    Oui, Coralie me dit-on. A dix-huit ans, on peut encore faire ça, on peut se donner une souffrance physique, on peut se déchirer la peau. Tant de souvenirs...

    Demain, nous parlerons de tout ça. Je compte encore les jours sans ça, les jours où je ne m'autorise plus de me faire souffrir.

    Je compte, moi qui déteste tant les maths...


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